des mots dans les nuages
La poésie pour tous, dans ses liens avec les autres arts.
Nos actions en cours
Nous sommes actuellement en train de mettre en place nos prochaines initiatives. Revenez bientôt pour ne rien manquer !
Qui sommes-nous ?
L'Association Des Mots Dans Les Nuages(DMDLN)
Constituée de passionnés par la poésie, s’attachant à la mettre en lien avec les autres arts, cette association d’aficionados oeuvre dans ce domaine depuis une vingtaine d'années à Camaret, en offrant, chaque été, aux camarétois, aux presqu’îliens et aux vacanciers, une proposition culturelle de qualité à partager en famille.
Mais c'est seulement en 2009 que l'association s'est constituée juridiquement.
L'association a pour objectif d'organiser des événements artistiques et conviviaux accessibles à tous.
Dans le contexte actuel, il nous semble en effet plus que jamais important de proposer la culture comme alternative, en particulier en direction des plus jeunes.
Le noyau dur de l’association (qui regroupe des membres du Club des Poètes à Paris et de l'association Passages) est à l’origine du spectacle réalisé dans les ruines du Manoir de Coecilian en 1990, pour le cinquantenaire de la mort de Saint-Pol-Roux.
Ils ont également été à l’initiative de l’hommage rendu à St Pol Roux par la ville de Camaret en juillet 2010.
Depuis une dizaine d'années, l'association organise tous les deux ans, au Hameau de St Julien, à 3 kms de Camaret, un festival familial pour tous (grands, petits, jeunes, moins jeunes et anciens !), où la poésie se décline en lien avec la marionnette, la musique, les arts plastique et les contes.
Le festival se déroule dans un cadre patrimonial et naturel exceptionnel, dans et autour de la Chapelle Saint Julien, édifice classé à l'inventaire du patrimoine.
Parallèlement, l'association DMDLN propose toute l'année, sur l'ensemble de l'Hexagone, ses spectacles de poésie et de marionnettes, dont beaucoup en direction du jeune public et des publics défavorisés.
Saint-Pol Roux et le manoir de Coecilian.
Sur les hauteurs de Camaret, à quelques mètres des alignements mégalithiques de Lagatjar, se trouvent les étranges ruines du manoir de Saint-Pol-Roux, allias "Le Magnifique".
Né en 1861, Saint Pol-Roux, de son vrai nom Paul-Pierre Roux, était un provençal, issu d'une famille marseillaise d'industriels en céramiques.
Immense poète, reconnu dès ses débuts par Mallarmé (qui l'appelait "son fils"), précurseur du mouvement surréaliste, celui que certains surréalistes surnommaient "le roi-lyre" tourna le dos au milieu littéraire parisien et vint s'installer en juin 1905 avec sa femme et et ses trois enfants dans ce manoir qu'il fit construire sur la falaise de Pen Hat. Son isolement volontaire était néanmoins relatif : il était très impliqué dans la vie quotidienne camarétoise, et nombre de ses amis parisiens venaient régulièrement lui rendre visite (Victor Ségalen, Max Jacob, Pierre Mac-Orlan, André Breton...).
Le Manoir du Boultous, que Saint-Pol Roux rebaptisera en 1915 "Manoir de Coecilian", du nom d'un de ses fils mort au combat, surplombe la mer d'Iroise, où l'on aperçoit des baigneurs minuscules sur une plage dorée.
En 1940, le poète qui entre dans sa 80e année, va connaître le pire dans ce manoir où, veuf désormais, il vit seul avec sa fille, Divine. C'est le soir du 23 juin, les Allemands déferlent sur la Bretagne. Un groupe surgit au manoir, et un soldat ivre tue la servante Rose, brutalise le vieil homme, blesse par balles Divine avant de la violer. Des manuscrits innombrables sont déchirés ou brûlés, dispersés sur la lande.
Saint-Pol Roux, que les dernières photos nous montrent imposant avec sa haute taille, ses longs cheveux et sa barbe blanche encadrant un beau visage, ne survivra que quatre mois. Il s'éteindra le 18 octobre 1940, à Brest. Quatre ans plus tard, le manoir, où les Allemands s'étaient installés, est détruit par l'aviation britannique.
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Deux écrits, hommages à la Bretagne...
Roscanvel,
À Divine.
Image d’un sou, couleur de biniou, village, minime village où les cloches ont l’air de dodiner au cou d’une immense chèvre de pierre, Roscanvel baigne ses pieds nus dans une mer menue dont la chair bleue se voit sous le frileux aller des voiles.
Ô mon destin naïf à l’ombre des figuiers, des ormes et des ifs où se tricote avec les becs un grêle bruit d’école, ô mon destin naïf à côté de ma fille mignonne et de mes fils mignons, emmi les chants de coq et le fenouil et la menthe sauvage, et non loin des moutons paissant au bout d’une corde en breloque et des vaches fanant le ciel avec la fourche de leurs cornes !
On vit ici tel que dans un missel, avec au visage une gifle de sel quand le vent tourne les subtiles pages du village, on vit ici tel que dans un missel, à l’abri des ogres et des médiocres de la Ville, entre la barbe de cuivre du blanc meunier de Ménézarvel et la barbe de givre du bleu batelier Manivel.
À l’aurore, voici, par delà l’Île Longue aux carrières de pierre, jaillir en bûcher les ors, les nacres, les roses, l’hyacinthe et l’émeraude des sacres et des songes, cependant qu’argentin tinte l’angélus au puéril clocher qui semble encore un bigorneau volumineux comme un rocher.
Lors ce sont les pêcheurs — mousses, patrons et matelots — qui s’en vont sur l’eau, s’en vont au nord, à l’est, au midi, vers Plougastel aux fraises candies, vers Quélern ou vers Brest, fantastique casier à homards de fer, crabes de fonte et langoustes d’acier, s’en vont faire la croix afin de vivre en tirant, pour accoucher l’onde toujours féconde, en tirant vers la chaloupe aux courbes de berceau le filet lourd, comme on tire un délivre.
Partis, le foc devant, assis au gouvernail aux allures de soc, ils reviendront au havre un peu moins pauvres, ces gas de basane, et le pain noir deviendra blanc ce soir dans la cabane aux lits pareils à des armoires.
Car leurs paniers sont combles : maquereaux, sardines, congres, vieilles diverses, prêtres, piloneaux, escolettes vertes, blancs tacots rayés de rouge, aiguillettes au bec de scie, spineks aux dents farouches, raies, chiens de mer à peau de verre, et tant d’autres poissons si frais qu’ils sont nerveux encore de frissons dans le varech.
Souvent, dans l’anse çà et là, se balancent les barques d’alentour qui lancent la drague aux coquilles Saint-Jacques, dont le type évoque la pieuse époque de la besace et de la calebasse, tandis que sur la grève, à marée basse, les vieux qui rêvent passent et repassent l’havanau parmi les goémons et captent des chevrettes semblables en petit aux monstres de l’Apocalypse où les démons chevauchent.
Et c’est des temps d’avril et c’est des temps d’hiver ! des vent-debout et vent-arrière ! et des suroîts et des noroîts ! et des grains noirs aux longs cheveux de pluie ! et des grains blancs à la crinière d’ouragan ! et des rafales ! et des cyclones ! et tous les souffles de la Rose ! et c’est des mers de lait et des mers de tapis ! et c’est des mers de fleurs vives à la folie et des mers de miroir sur quoi pour mieux se voir se penchent les jolies ! et c’est des mers d’avare où s’accaparent des trésors ! et c’est des mers de tigre à toison de brebis où l’on sent que des griffes descendent agripper les morts !
Le soir venu, voilà, réintégrant leurs nids lointains là-bas dans les écueils de Camaret, les cormorans en deuil partis dès le matin, les uns dans l’air en vol triangulaire, les autres en escouade à fleur de vague, et ce vol bas évoque de très longues oreilles de chiens de chasse dont le corps usé par l’océan ne serait plus qu’un reste de carcasse.
Ici l’on rit, l’on pleure, ici l’on vit, l’on meurt à la manière des légendes, gens de terre et gens de mer, et c’est toujours semaine puisque sans cesse on peine, et c’est toujours dimanche puisque des ivrognes — ô les tragiques trognes de Bretagne aux tout petits yeux de pervenche ! — vont et viennent sans cesse à travers la campagne et la lande et la ronce aux calvaires qui ronge l’ulcère du Temps.
Or c’est ici, Divine, ici que tu naquis, au hasard du voyage, en une étable ancienne de Lanvernazal en Roscanvel, ici que tu naquis, ô ma fille, ô ma vie, que tu naquis vers la mamelle de ta mère, entre les bouches et les yeux de tes frères ravis.
28 septembre 1898.
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Camaret
“Camaret, par ce matin d’été,
c’était la beauté,
toute la jeunesse du monde
sous la féerie claire des voiles.
Je sentis que mon destin m’y conduisait,
que je n’avais plus le droit de partir…
Et j’y suis demeuré
au milieu des paysans et des pêcheurs.
…Je remercie Camaret d’une hospitalité
de trente ans qui ne finira jamais
puisque c’est dans son sol que je dormirai…
j’ai fait inscrire sur un entablement
de mon manoir ces mots, orgueilleux peut-être :
Ici j’ai découvert
la vérité du monde,
Tout le secret de ma solitude,
de ma méditation,
conséquemment de mon prudent silence,
gît là.”
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Le Silence
« Timide fantôme en toile d'araignée, qui donc es-tu ?»
Dut faire, le fantôme, un signe à quelque brise t'aventure, car je lus sur la nuque des luzernes:
«Je suis le Refuge des corps étourdis par la besogne de la Vie.
- « Discret fantôme en toile d'araignée, qui donc es-tu ? »
Dut faire, le fantôme, un signe à quelque rai de lune, car je lus sur la mare aux libellules: .
- «Je suis la Consolation des âmes frustrées pat le salaire de la Vie.
- « Étrange fantôme en toile d'araignée, qui donc es-tu?>)
Dut faire, le fantôme, un signe à quelque chauve- souris, car je lus sur la sublime ardoise du sommeil:
- «Je suis l'Excuse de la Mort et je me nomme le Silence. »