Le 18 octobre 2024 a été publié le nouveau Plan local d’Urbanisme de la Métropole Européenne de Lille (MEL), dit PLU3. Ce document administratif est stratégique car il régit sur le long terme les conditions d'aménagement et d'utilisation des sols, et surtout traduit la manière dont nos élus appréhendent le devenir de notre territoire.

Aut'Mel, EcolLoos, Entrelianes et Nord Nature Environnement, associations très impliquées sur la métropole lilloise, ont décidé de contester juridiquement ce PLU3 et ce dans les délais très courts imposés par la loi. Nous avons par conséquent déposé  un recours auprès du tribunal administratif de Lille avec l’assistance de Maître Faro, avocat spécialisé en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement.

La complexité technique et formelle de ce PLU masque une vision politique obsolète du devenir de notre territoire, aggravant la crise de la biodiversité et le dérèglement climatique et incapable de répondre aux défis qui nous attendent. Cette « vision » est au fond très simple, basée sur :

un principe de croissance illimitée de la métropole, au détriment des autres territoires régionaux, indépendamment de sa croissance démographique réelle, de ses ressources (comme l’eau, l’air, l’accès à la nature, etc.) et des capacités physiques de son propre territoire ;

un scénario économique corrélé, destiné à attirer les investisseurs : zones d'activités, bureaux, développement de l’aéroport et du « hub ferroviaire », port de plaisance, nouveaux réseaux routiers et entrepôts logistiques. 

Au-delà de ces principes généraux, ce sont les contradictions de ce Plan Local d'Urbanisme dans la prise en compte d'enjeux environnementaux vitaux, qui nous ont décidés à intervenir. Trois ressources naturelles indispensables à la vivabilité du territoire sont ici concernées : (1) la ressource en eau potable, (2) les terres agricoles et enfin (3) l'accès aux espaces de nature en ville. Le PLU3 prétend les défendre alors qu’il les fragilise. 

 (1) Concernant la ressource en eau, comment expliquer par exemple que la carrière de Loos-Emmerin-Haubourdin située dans l'Aire d'Alimentation des Captages du Sud de Lille, accueille désormais dans le PLU3 une Zone Industrielle et une urbanisation temporaire ? Ce sont pourtant 70 hectares au sein desquels la nappe de la craie, qui recharge la ressource d’eau, affleure après que le manteau rocheux du site a été retiré. Comment expliquer qu'une telle décision ait été prise en contradiction avec le règlement du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) pour les Aires d'Alimentation de Captages et que de plus, la décision de création de la Zone Industrielle n'ait pas été présentée à l'enquête publique ni n’ait fait l’objet d’aucune évaluation environnementale préalable pourtant obligatoire ? Et ce, alors que de grandes dépenses sont effectuées pour rendre potable l'eau prélevée à toute proximité de la carrière, au sein des captages d'Emmerin par ailleurs déclarés ultraprioritaires par la Préfecture !

 (2) Comment expliquer également que la MEL s'autorise un dépassement de consommation de terres agricoles de plus de 240 hectares par rapport à l’objectif règlementaire de la Loi 2021-1104 « contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » ? Et ce pour de futures zones industrielles ou urbaines qui ne sont pas justifiées puisqu'il existe une vacance importante dans les zones industrielles existantes, ainsi qu'au sein des bureaux et des logements. Peut-on encore se permettre un tel gâchis ? 

 (3) La MEL est déjà très déficitaire en espaces verts publics et bien en dessous des normes préconisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour ceux de proximité (accessibles à moins de 5 minutes à pied) : 10 m² par habitant dans les quartiers très urbanisés, 25 m² dans les quartiers périurbains ! Comment, alors, justifier que ce PLU, à travers ses orientations d’aménagement et de programmation (OAP), non seulement n’anticipe pas le durcissement des normes réglementaires de l’OMS mais prévoit encore de nombreuses bétonisations d’espaces de nature urbains (comme la friche Saint-Sauveur et tant d’autres) qui pourraient lui permettre d’atténuer ce déficit s’ils étaient préservés?